Le comité de normalisation en RD Congo a été prolongé à deux reprises.
« La RDC, c’est la chasse gardée de Véron. » En souriant, un membre de la CAF, sous couvert d’anonymat, synthétise en une phrase ce que beaucoup de dirigeants de la Confédération africaine de football et de la FIFA pensent au sujet de la situation en République Démocratique du Congo.
Après l’ère Constant Omari, le totémique président de la Fecofa (2003-2021), et l’intérim réalisé par Donatien Tshimanga, la fédération a été placée sous l’égide d’un comité de normalisation (CONOR) en avril 2023 suite à l’avortement d’un processus électoral. Originellement, ce comité devait rester « au plus tard jusqu’au 30 novembre 2023 », selon le communiqué officiel de la FIFA pour assurer de nouvelles élections conformes aux statuts.
Un an après, ce même comité est toujours en place et a même été prolongé à deux reprises, la dernière jusqu’au 30 juin 2025, une durée jamais vu. Pour beaucoup, cette prolongation inédite est liée à l’influence supposée de Véron Mosengo-Omba, le tout-puissant secrétaire général de la CAF accusé de népotisme dans plusieurs rapports internes.
Les alertes concernant l’influence de Véron Mosengo-Omba datent de 2023
Officiellement, l’allongement du mandat du CONOR a été décidé à la suite du nouvel échec du processus électoral en juin 2024. Une commission rogatoire FIFA-CAF venue à Kinshasa annula toutes les élections déjà organisées et dissout la commission électorale et celle de recours pour des « irrégularités constatées dans la composition des membres […] dont certains auraient caché certaines de leurs qualités, qui ne leur permettaient pas de faire partie de ces deux commissions ».
Problème, la composition des membres du CONOR souffrait également d’irrégularité à en croire l’ancienne direction de la Fecofa, et notamment l’ex secrétaire-général adjoint, Patou Mangenda, qui alerta la CAF et la FIFA. Par un mail officiel, ce dernier souligna les liens entre le président du CONOR, Dieudonné Sambi, et Véron Mosengo-Omba, notamment leur enfance commune passée à Yolo, un quartier de Kinshasa.
Or, aucune association ou relation particulière n’est censée exister ou interférer lors de la nomination des membres d’un CONOR. Un beau principe, souvent galvaudé par la FIFA en Afrique (Guinée, Madagascar…), et qui interroge quant à l’interférence possible de Véron, dont les prérogatives à la CAF n’englobent aucunement les comités de normalisation.
Si ce dernier s’est toujours défendu d’être intervenu dans ce dossier, sa présence remarquée depuis dimanche à Kinshasa pour les élections de la Commission électorale et de recours de la Fecofa ont semé encore plus de doutes quant à son auto-proclamé neutralité.
Un audit de la FIFA laissé secret…
Suite aux deux échecs consécutifs, le CONOR a relancé en septembre un processus électoral avec un appel à candidatures pour la composition des membres de la Commission électorale et la Commission électorale de recours. En théorie, cinq et trois personnes devraient siéger afin d’assurer la bonne tenue des élections prévues en mars 2025.
Pour cela, le CONOR bénéficie d’une Commission ad hoc validée par la FIFA et la CAF. Énormément de moyens humains et financiers sont ainsi mis en œuvre pour soutenir le Comité de normalisation congolais dont la gestion a été tancée dans le dernier audit annuel de la FIFA. Heureusement pour ces derniers, l’audit en question est resté confidentiel et rien n’a été (encore) publié.
Bénéficiant de la présence de Véron Mosengo-Omba depuis dimanche, le CONOR prépare l’Assemblée générale élective du vendredi 1er novembre où les 75 délégués de la Fecofa voteront pour élire les représentants des deux commissions. Or, plusieurs événements non prévus au programme ont pimenté ces derniers jours.
Les rendez-vous à l’Hôtel du Fleuve
Outre les changements d’hôtel et les invitations privées du président du CONOR, la Commission ad hoc a publié la liste définitive des candidats retenus pour l’élection. Rien d’anormal en somme jusqu’aux invitations lancées à ces mêmes candidats ce jeudi, la veille de l’élection, pour une nouvelle « interview » qui ne faisait absolument pas partie du processus.
Selon les informations recueilles par Sport News Africa, l’entretien est censé permettre à la Commission ad hoc de mieux cerner les motivations de chacun. « C’est bizarre de faire ça juste avant un vote », pointe un des candidats. « Je ne comprends pas trop le but, et je ne suis pas le seul. Depuis le début, on a l’impression que les membres seront presque choisis à l’avance. »
Parmi les 75 délégués votant ce vendredi, les 45 venant de l’intérieur du pays ont été entièrement pris en charge et logent au prestigieux Hôtel du Fleuve, peut-être le cinq étoiles le plus luxueux de Kinshasa. « Ils savent comment s’y prendre », rigole un membre officiel de la Fecofa. « Le plus fort dans tout ça, c’est que le secrétaire général de la CAF assiste à une élection de commission électorale. Depuis quand fait-il ça pour les autres pays ? »
Autre fait curieux, Sport News Africa a compris que la Commission ad hoc continuerait après l’élection des deux commissions électorales pour superviser le processus jusqu’en mars. Une Commission validée par la FIFA et la CAF, qui auparavant avait été choisie par le CONOR, celui-là même qui fut dénoncé pour ses liens avec le secrétaire général de la CAF, venu tout spécialement sur place pour s’assurer que les affaires de la Fecofa restent entre de bonnes mains.
NB : Contacté, le secrétaire général de la Fecofa, Innocent Kidunbulu, n’a pas répondu à nos sollicitations, pas plus que la CAF.