Dans l’univers de l’athlétisme africain, chaque éclat de talent brille distinctement. Au sein de cette constellation d’athlètes, émerge Emmanuel Eseme, l’homme le plus rapide du continent, telle une étoile filante traversant les compétitions avec une puissance et une détermination bien particulière. Commencée en 2019, la carrière de ce sprinteur camerounais a atteint son plus haut sommet le 19 mars 2024. Ce jour-là, il décrochait la médaille d’or au 100m messieurs, lors des Jeux Africains d’Accra, au Ghana.
Derrière chaque prouesse, chaque chrono, chaque record, se dessine l’ombre bienveillante de son entraîneur, Henry Peyou Ndi Samba, témoin privilégié de ce périple sportif épique : « Emmanuel vient de loin. Il est la preuve vivante que le travail, la discipline et la détermination payent tôt ou tard dans le sport ». Pourtant, le sprinteur africain n’a pas toujours été la flèche foudroyante que le monde de l’athlétisme connaît aujourd’hui. Autrefois, c’était un gardien de but sur les terrains de football. Son destin bascula lorsqu’il fut repéré lors d’une édition des Jeux Universitaires. Sous la houlette de l’un de ses premiers mentors, le dénommé Kinang, Emmanuel Eseme plongea dans les eaux inconnues de l’athlétisme, où il a très vite affûté ses premières armes.
Cependant, il participe aux championnats du monde 2019 et aux Jeux olympiques de 2020 mais s’incline dès les séries. Pour lui, pas question d’abandonner. Dans cette quête insatiable de perfection, il frappe à la porte Peyou, le chef d’orchestre de sa transformation. « Après les Jeux de Tokyo, il a estimé qu’il ne progressait pas, se souvient Peyou. Il est donc venu me voir et nous avons établi un plan de travail qui lui permette de changer toute son enfourchure, sa musculature et sa technique. Nous travaillions parfois 2 à 3 fois par jour. Il a dû mettre de côté son métier d’ingénieur pour se plier à ce régime de travail qui, je l’avoue, était très relevé. Nous avons amélioré son chrono ».
La consécration à Konya
La première année de leur collaboration, Emmanuel s’illustre en tant que vice-champion d’Afrique sur 200m à Saint-Pierre (Maurice) en 2022. La même année, il dispute les finales de 100m et 200m aux Jeux du Commonwealth à Birmingham (Angleterre). Le sacre arrive aux Jeux Islamiques de Konya (Turquie) où il remporte l’or et instaure le record camerounais de 200m avec 20s16, en battant le champion du monde 2017, Ramil Guliyev. La deuxième année résonne comme une symphonie de records brisés et de barrières pulvérisées. Emmanuel, tel un éclair dans la nuit, franchit le mur des dix secondes à trois reprises, illuminant de son éclat, les pistes de la Diamond League en Pologne.
Nouveau record de 100m du Cameroun, il écrit son nom en lettres d’or aux Jeux de la Francophonie 2023 en terminant sur la première marche du podium grâce à un temps de 10s03. Mais la quête de l’excellence ne connaît ni répit ni stagnation. Cette année, Emmanuel hisse encore plus haut les couleurs de sa nation, décrochant la médaille d’or aux récents Jeux Africains. D’ingénieur à sprinteur, Emmanuel ne regrette pas d’avoir laissé son premier emploi. « Il a tout sacrifié pour sa passion et aujourd’hui, c’est un choix qui porte ses fruits. De plus, en tant qu’ingénieur, ses revenus mensuels étaient plutôt minces. Or, en participant à une course internationale aujourd’hui, il peut gagner jusqu’à 20 fois plus », rassure son entraîneur.
« Il a dormi 3 jours à l’aéroport de Londres à même le sol »
A 30 ans sonnés, Emmanuel Eseme est basé aujourd’hui au Portugal et en France où il espère multiplier les compétitions. Et les Jeux Olympiques de Paris 2024 ? « Pour moi, ce n’est pas une priorité, dixit M. Peyou. Il faut qu’il gagne sa vie. Il doit multiplier les compétitions pour avoir un compte bancaire fourni lorsqu’il va arrêter. Je crois que c’est assez tôt de rêver d’une médaille aux JO 2024. Je le vois aller plus loin, lors de la prochaine édition. C’est un jeune qui en est capable. Il n’a pas de limite ». Petite anecdote pour illustrer son mental : « Lorsqu’il allait aux Jeux Islamiques, Emmanuel a passé trois jours à l’aéroport de Londres où il dormait à même le sol. Lorsqu’il est arrivé, je lui ai dit : « ça fait partie de la vie. Dis-toi que tu vas en mission comme un soldat qui s’en va en guerre. Que cette expérience te serve de carburant et non d’excuses ». A ces Jeux, il a affronté le champion du monde 2017 et il l’a battu ». Comme quoi, derrière chaque victoire éclatante se cachent toujours des sacrifices incommensurables.
Arthur Wandji
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