Au Sénégal, Mikayil était considéré comme un gros prospect et la presse l’envoyait déjà à Marseille dans le cadre du partenariat avec Diambars. Pourquoi l’histoire ne s’est finalement pas déroulée comme prévu ?
Il y a eu plusieurs épisodes, mais au départ, on voulait que ça se passe bien avec Diambars. De par mon activité, j’ai des relations anciennes avec Saer Seck (président de Diambars, ndlr). On a eu des frictions avec Diambars au sujet de la scolarité de Mikayil. Il était resté plusieurs mois sans aller à l’école. On a eu des échanges et j’avais même pensé à le retirer de Diambars en raison de cette situation car il était inconcevable qu’il ne soit pas scolarisé et c’était de leur responsabilité. Finalement, ça s’est arrangé et j’ai passé un deal avec « Mika » : s’il voulait continuer dans le football, il devait réussir à l’examen du BEFM (Brevet de Fin d’Etudes Moyen, ndlr). On était à trois mois de l’échéance et il a réussi à avoir son diplôme.
Mais malgré ça, l’histoire ne s’est pas passée comme prévu…
Nous voulions des garanties pour l’avenir. On était même prêts à faire des sacrifices sur des primes à la signature ou reverser une partie du salaire de Mikayil s’il signait en Europe, à l’OM ou ailleurs. Mais Diambars était dans d’autres préoccupations et m’a dit qu’il n’est pas leur priorité. Leur priorité c’est l’académie. De l’autre côté aussi, Marseille aussi nous a dit la même chose : que « Mika » n’était pas leur priorité. Le partenariat OM – Diambars allait déjà mal et Longoria était tourné vers d’autres dossiers. A ce moment-là, leur priorité était de prolonger Payet et Thauvin. Face à cette situation, il fallait créer le divorce car il allait de l’avenir de mon neveu… Marseille va finalement revenir avec de meilleurs sentiments plus tard. Ils vont même nous envoyer les billets d’avion pour que l’on vienne sur place, mais c’était fini à notre niveau.
A partir de là, quelles étaient les options pour que Mikayil signe en Europe ?
Il y avait des sollicitations, mais le but était si possible d’éviter les pays francophones. Car souvent les jeunes qui arrivent d’Afrique se laissent aller dès qu’ils arrivent. Ils y retrouvent quelques connaissances ou se font vite des amis et ça peut les détourner de leurs objectifs. La première option était donc un pays où on ne parle pas français pour que la barrière de la langue le pousse d’abord à se concentrer sur le football.
Le verdict du TAS comme une délivrance
Comment s’est fait le choix de la Croatie ?
Un peu par hasard car on avait plusieurs options. En raison du litige avec Diambars, Mikayil est resté un an et demi sans compétir. C’est énorme à cet âge. Quand le Dinamo Zagreb est arrivé, ils ont donné la possibilité au joueur d’être avec le groupe professionnel immédiatement. Vu les relations du club avec l’agent de Mikayil (qui est aussi celui de Dani Olmo et a été celui Josko Gvardiol au Dinamo, ndlr) on s’est dit que c’était une bonne piste.
Mais tout ne s’est pas passé comme prévu. Car, il y avait toujours ce litige avec Diambars. Comment s’est-il soldé ?
Dès que Diambars a su que Mikayil était en Croatie, ils ont saisi la FIFA pour le bloquer et ils ont aussi demandé des sanctions contre le club comme une interdiction de participer à la Ligue des champions. La FIFA a donc interdit au Dinamo Zagreb de pouvoir utiliser le joueur le temps que l’affaire soit instruite. Il s’est retrouvé du jour au lendemain sans pouvoir jouer. C’était mentalement dur pour lui. On a essayé de négocier, mais Diambars n’a pas voulu. Du coup, nous sommes allés au tribunal en Suisse. Le dossier a été instruit un lundi soir, le mercredi matin le verdict tombait et nous donnait gain de cause. Mikayil était libre de tout engagement.
« La Fédération sénégalaise a refusé de reconnaître Mikayil »
A quel point ce conflit avec Diambars a-t-il pesé sur les perspectives de voir Mikayil pouvoir rejoindre un autre club ou même pour la suite de sa carrière dans le football ?
On a reçu des menaces, comme quoi la carrière de Mikayil allait être brisée à cause de cette affaire. J’ai encore les traces écrites. On a compris que c’était sérieux quand par exemple à l’époque ça a été très compliqué au niveau de la Fédération sénégalaise de football pour la libération du joueur. Des gens en interne ont refusé de reconnaître Mikayil comme étant sénégalais, alors qu’il devait rejoindre le Dinamo. Au niveau administratif ça a été difficile. Sachez par exemple qu’il a obtenu son visa pour la Croatie en se rendant au Nigeria. C’est depuis là-bas qu’il a pu voyager car au niveau du Sénégal tout était bloqué dès qu’on disait son nom. Mais tout ceci montre aussi à quel point Mikayil est fort mentalement pour son âge. Car malgré tout cela, il n’a jamais baissé les bras. Au milieu de tout cela, il y a quelqu’un de très important durant toutes ces années, c’est Marc Chervaz. Il a eu Mikayil à l’époque où il était encore à Dakar Sacré-Coeur, avant de le retrouver à Diambars puis en sélection U17. Il a toujours cru en « Mika » et ils ont fait une CAN et un Mondial de la catégorie ensemble. Je ne le remercierai jamais assez.
Entre ses débuts au Dinamo Zagreb et son arrivée à Barcelone, le laps de temps est court. Comment cela s’est-il passé ?
D’abord, il faut savoir que Mikayil a fait un an en Croatie avec son agent, Andy Bara, sans que l’on signe le moindre document. A tout moment on aurait pu aller signer avec un autre agent, mais ce n’était pas le projet. On était vraiment sur une relation de confiance mutuelle et chacun a tenu sa parole, le temps que le garçon soit majeur. On a par exemple été contacté par Mino Raiola, mais nous avons décliné car on était vraiment dans une relation d’homme à homme avec l’agent qui a tout fait pour le développement du joueur. Il a plusieurs jeunes comme « Mika » et met en place des stratégies au sein de différents clubs pour leur permettre de se développer chacun dans un bon contexte.
« 10 jours pour convaincre Xavi »
Il ne va faire que 10 matchs avant de rejoindre le FC Barcelone. Comment se font la détection et les contacts avec le FC Barcelone ?
Pour l’histoire, l’ancien entraîneur de Gvardiol au Dinamo est aussi celui qui a entraîné Mikayil. Et il a trouvé des similitudes entre « Mika » et Gvardiol. C’est comme ça que ça a commencé. A l’époque où il était encore au Dinamo, Gvardiol devait aller au Barça. Mais finalement le transfert ne se fait pas et il rejoint Leipzig. Du coup, pour éviter qu’un nouveau profil de ce genre n’échappe au Barça, c’est Andy Bara qui contacte le président Laporta pour lui parler de « Mika » en lui disant qu’il actuellement au sein de son écurie un joueur aux mêmes caractéristiques que Gvardiol et plus fort au même âge. C’est ainsi que le Barça a fait déplacer un recruteur pour observer le petit en novembre 2022. Il l’a supervisé sur un seul match et a rendu un avis favorable, en indiquant qu’il avait toutes les qualités et le profil pour être Barça-compatible. Mais comme c’était une opposition lors d’un match d’entraînement car à l’époque Mikayil n’était pas encore qualifié à cause du litige avec Diambars, ils n’ont pas directement donné suite. Ce n’est que le 1er février 2023, quand Mikayil est enfin autorisé à jouer à nouveau, que les choses changent. Il y a ses vidéos qui circulent sur le net et là le Barça revient.
Comment se fait son arrivée à Barcelone ?
Quand Mikayil commence à jouer au Dinamo, le recruteur envoyé par le Barça revient à la charge auprès de ses dirigeants. Le président Laporta était ouvert, mais il fallait l’aval de Xavi pour tout finaliser. Il a demandé à pouvoir avoir Mikayil 10 jours à Barcelone pour se faire un avis définitif. Le deal était simple : si au bout des 10 jours il était validé, il partait avec l’équipe faire la préparation aux USA. La suite vous la connaissez.
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« Mikayil veut s’imposer à Barcelone »
En l’espace de quelques mois, tout est allé très vite. De l’arrivée au Barça à sa première sélection avec le Sénégal. Comment tout a-t-il vécu tout ceci ? N’y a-t-il pas eu des moments de doute ?
Entre sa signature en juin 2023 et sa sélection de mars, des fois on en revient pas quand on voit tout ce qui s’est passé. C’est allé tellement vite. Mais il l’a très bien vécu et surtout il a su gérer ces moments car malgré son âge il sait appréhender ces situations. Déjà Mikayil ne regarde pas trop ce qui s’écrit dans la presse et sur les réseaux sociaux, donc ça lui met moins de pression. Il est très introverti. C’est sur le terrain qu’il s’exprime et qu’il se lâche. Le seul moment de doute si je puis dire ainsi, c’est au moment des rumeurs autour de sa sélection avec le Sénégal. Il se demandait si c’était vraiment possible car à l’époque du litige avec Diambars en 2021 et des menaces reçues, on lui avait fait comprendre que s’il quittait Diambars, il pouvait faire une croix sur l’équipe nationale. D’ailleurs, il avait disparu des radars même dans les petites catégories alors qu’il était sélectionnable. Là il s’est vraiment posé des questions, il était un peu inquiet. Mais on a su le rassurer en lui montrant que Cissé n’avait aucun lien avec ce qui avait pu avoir par le passé au moment de quitter le Sénégal et qu’il cherchait la performance avant tout et qu’il n’était pas lié à cette affaire.
Au sujet de son avenir, on voit tout et son contraire sortir dans la presse espagnole. Est-ce qu’il peut vraiment servir de monnaie d’échange pour renflouer les caisses du club ?
Le football nous a appris que la vérité du jour n’est pas celle du lendemain. Mais on sait que le Barça croit en Mikayil. Beaucoup disent que le club a vraiment besoin d’argent, mais ils ont déjà refusé une offre de Lens pour le joueur cet hiver. Une grosse somme. Le président Laporta a refusé de vendre en nous disant que le projet était de garder Mikayil, donc cela montre bien que ce n’est pas qu’une question financière. Ils veulent l’inscrire dans leur projet.
Et qu’en est-il de Mikayil ?
Lui veut vraiment s’imposer à Barcelone et jouer en équipe 1. Il ne pense que Barça.
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