Indiana M. Basketball. McDonald’s All American. Champion de l’Etat d’Indiana avec son lycée aux dépens de Brebeuf Jesuit et Alan Henderson, futur M.I.P. 1998. Meilleur joueur de l’US Olympic Festival et tout simplement meilleur lycéen des Etats-Unis en 1991. Sur sa carte de visite, il n’y a déjà plus de place. Avec un tel CV, Glenn A. Robinson doit emmener Purdue, son université, vers les sommets de la hiérarchie NCAA. Oui, mais… « Si tu ne rapportes pas de bonnes notes, tu seras privé de… »
Qui n’a jamais dû, un jour, se passer de dessert, de télé, de sorties ou de basket ? C’est exactement ce qui est arrivé à Glenn. Et là, pas moyen de tergiverser, de promettre de meilleurs résultats en maths, en chimie, en géographie, en économie ou en histoire. La sanction ne venait pas de ses parents. Pas moyen de tricher, de faire faire les devoirs ou les exams par un pote. C’était le règlement. La Proposition 48. Une règle de la NCAA qui stipule qu’un étudiant doit remplir certaines conditions académiques pour participer au championnat. Conséquence : Glenn Robinson se retrouve « redshirt » en 1991-92.
« Tout le monde sait que je n’ai pas pu jouer la saison dernière parce que j’étais un Prop 48. Les gens pensaient que je n’aimais pas les études, que je n’avais qu’à travailler un peu plus. En fait, j’avais le niveau puisque j’ai obtenu mon diplôme au lycée. Mais je me suis bêtement planté au test d’aptitudes de l’université », reconnaît humblement Robinson.
Aussi, Glenn a passé son année freshman à regarder jouer les copains. Et sans arrêt la même question. « Les gens ne me demandaient pas comment j’allais. La seule chose qui les intéressait, c’était de savoir si je suivais les cours pour pouvoir jouer la saison suivante. »
Né dans la même ville que Michael Jackson
Dur, dur ! Même pas le droit de participer aux entraînements. De quoi vous mettre des glandes grosses comme ça ! « Après le premier entraînement, j’étais tellement frustré que j’ai pensé à partir en junior college. Venant de Gary, Indiana (ndlr : la ville de Michael Jackson), j’avais choisi Purdue pour rester près de chez moi. Mais là, j’étais prêt à aller très loin pour pouvoir jouer, prêt à quitter mon environnement, à m’exiler, à tout balancer. Puis j’ai réfléchi. Pas la peine de se prendre la tête. J’ai décidé d’attendre un an. »
Une année passée à jouer avec les amateurs de la fac, à faire des séances individuelles, à souffrir à chaque match des Boilermakers, en simple spectateur. Seul avantage : la tranquillité. « Je n’aime pas trop parler de moi. Pendant un an, les journalistes m’ont laissé en paix. »
Pour le reste, c’était moins drôle. « L’équipe a perdu 15 fois pour 18 victoires. Chaque défaite me rendait malade. Je voulais à tout prix être sur le terrain. »
Tout cela est terminé. Celui qui était sorti du lycée Roosevelt de Gary plus connu et décoré que Chris Webber avec une moyenne de 25.6 points, 14.6 rebonds et 3.8 contres (!) peut enfin montrer ce qu’il sait faire. Il a commencé lors de l’été 1992 avec une sélection universitaire lors d’une tournée européenne. « Glenn était de loin le meilleur joueur à chaque match. Quel talent ! », s’enthousiasme Lou Carnasecca, le coach de la sélection.
Puis Robinson s’illustra dans une summer league à Chicago, avec des stars universitaires et des joueurs NBA. Ce qu’il sait faire ? Tout. Avec ses 2,01 m et ses 102 kg, Glenn, small forward de formation, peut jouer partout. « Il a le physique d’un ailier fort mais il peut monter la balle, passer. Il est beaucoup plus rapide qu’un power forward classique. Son premier pas est exceptionnel », constate Franck Kendrick, l’assistant coach de Purdue. « Impressionnant ! Je ne pense pas que son année de repos forcé lui ait coûté cher », ironise Jim Calhoun, l’entraîneur de Connecticut, l’une des premières victimes de Purdue.
Même son de cloche pour Jerry West, alors GM des Lakers, présent au match : « On va entendre parler de Glenn, c’est certain. Et pendant un bon nombre d’années. »
Robinson n’a disputé qu’une poignée de rencontres en college et déjà, on lui promet un avenir doré. « Beaucoup pensent que je vais partir chez les pros dès la fin de la saison. Mais ce n’est pas sûr. Ma mère serait contre. Elle n’a pas aimé que Shaquille O’Neal quitte l’université, même pour 40 millions de dollars. Elle veut que j’aie un diplôme. Et puis chaque chose en son temps. Pour l’instant, je veux gagner avec Purdue », ajoute le n°13.
Pour rattraper le temps perdu ou plus simplement pour assouvir sa passion, il y a la victoire. « Je me moque de mes stats », certifie-t-il.
Privé de basket, il vend des frigos
Cette attitude a fait de lui le leader naturel de l’équipe. « Dès le premier match, tous ses partenaires l’ont mis en avant. Il n’a pas eu besoin de parler ou de prendre une certaine pose. Tout s’est fait naturellement au travers du jeu. J’ai moi-même pensé que c’était un peu tôt pour lui donner tant de responsabilités mais c’était le choix du groupe », explique Gene Keady, le coach de Purdue.
Comme beaucoup de sportifs noirs passés professionnels, Glenn n’est pas né dans la soie ce 10 janvier 1973. La ville de Gary est connue pour son taux de criminalité élevé et ses trafics de drogue. La mère de Glenn n’a pas atteint la majorité quand elle tombe enceinte. Elle n’est pas mariée. Aussi, Glenn voit rarement son père. « Mom » se plie en quatre pour assurer la survie du foyer. Elle ne veut pas voir le fiston tomber dans la délinquance et fait preuve d’une intransigeance totale. Pas de bonnes notes à l’école ? Pas de basket. Elle ira jusqu’à le faire désinscrire d’une équipe. Pour occuper son temps, Glenn n’a pas d’autre choix que de bosser dans une boutique vendant des frigos et des climatiseurs… Cet apprentissage l’a marqué. Après une année passée à tourner en rond à la fac, il veut reprendre sa vie en main.
« L’année dernière, j’en ai eu un peu marre de m’entraîner tout seul. J’allais moins souvent à la salle. Au bout de deux semaines, j’ai remarqué que j’avais grossi. Je me suis pesé, je me suis regardé dans le miroir… Inconcevable ! Après ça, j’ai mis les bouchées doubles. Depuis, j’ai même réalisé l’importance de mes séances individuelles. »
Le boulot ne lui fait pas peur. Et c’est vrai qu’il ne s’arrête plus. A tel point qu’un jour, Gene Keady dut le faire sortir de la salle. Une demi-heure plus tard, un assistant coach le surprenait shootant sur un terrain extérieur, sous la pluie… « Tout le monde dit que j’ai du talent, que Dieu m’a tout donné. Ce n’est pas vrai. Dieu m’a donné ma taille, mon physique. Le reste, ce n’est qu’une question de travail et rien d’autre. »
L’envie de gagner et un tempérament bosseur, c’est tout ce qu’il faut pour réussir, soutenait Magic Johnson. En cette année 1992, Glenn Robinson a vraiment tout pour lui. Même de bonnes notes aux examens ! Il boucle cette première année en NCAA sur une moyenne de 24.1 points, 9.2 rebonds et 1.8 passe. En saison régulière, les Boilermakers s’offrent le scalp du « Fab Five » de Michigan. Le tournoi NCAA ? Un petit tour et puis s’en va. Rhode Island éjecte Purdue (18 victoires-10 défaites) dès le premier tour à l’Est, 74-68. Le n°13, qui se fait un peu d’argent de poche l’été comme… soudeur, renonce à se présenter à la Draft. L’année suivante, il passe la barre des 30 points : 30.3 plus 10.1 rebonds. C’est la première fois qu’un basketteur de la Conférence Big Ten termine en tête de ces deux catégories depuis 1978. Purdue (29-5) se hisse au 3e rang national.
La « March Madness » se déroule sans encombres jusqu’au Sweet Sixteen. Glenn se blesse au dos dans la victoire contre Kansas (83-78). Pour son dernier match en NCAA, face au Duke de Grant Hill, il est diminué et limité à 13 points. Les Blue Devils se qualifient pour le Final Four en s’imposant 69-60. Pour Robinson, les hommages pleuvent : John Wooden Award (Wooden fut lui-même un Boilermaker et il portait aussi le n°13), Naismith Award, « Big Ten Conference Player of the year » avec 1 030 points, le record de la Conf’ sur une saison… La NBA lui ouvre ses portes en grand.
Rookie, il réclame 100 millions de dollars sur 13 ans
Après une saison déprimante (20-62) avec un meilleur scoreur à 15.3 points de moyenne (Eric Murdock), les Bucks obtiennent le premier choix de la Draft. Dans cette promo 94, il y a du beau linge. Robinson, donc, mais aussi Grant Hill, Jason Kidd et quelques joueurs qui feront une sympathique carrière (Brian Grant, Eddie Jones, Jalen Rose, Wesley Person, Donyell Marshall..). Milwaukee n’hésite pas. Glenn devient le premier Boilermaker n°1 de la Draft depuis Joe Barry Carroll en 1980. Et tout de suite, les choses se gâtent. Il réclame le plus gros contrat jamais vu : 100 millions de dollars sur… 13 ans ! Herb Kohl, sénateur démocrate du Wisconsin et propriétaire de la franchise depuis 1985, voit rouge. « A ce prix-là, autant lui donner la franchise… »
Le conflit perdure jusqu’au début du training camp. Robinson doit revoir ses prétentions à la baisse. Il obtient finalement 68 millions de dollars sur 10 ans, le plus gros contrat rookie de l’histoire (ndlr : les limitations de salaire pour un premier bail entreront en vigueur l’année suivante). Evidemment, tout le monde attend l’effronté au tournant. Mais Glenn ne se dégonfle pas. Il termine meilleur scoreur des rookies (21.9 pts) et arrive troisième dans l’élection du Débutant de l’année 1995, titre que se partagent Jason Kidd et Grant Hill. Avec 34 victoires, le quotidien de la franchise du Wisconsin s’est un peu égayé. Elle mise beaucoup sur l’émergence du duo Glenn Robinson-Vin Baker. Les deux ailiers rapportent 41.3 points en 1995-96 mais Milwaukee rechute (25-57). Retenu pour les Jeux Olympiques d’Atlanta en 1996 avec la « Dream Team » III, Robinson doit malheureusement déclarer forfait sur blessure….
La suite est à peine mieux… avec l’arrivée de Ray Allen, drafté par les Timberwolves (cinquième choix) en juin 1996 et immédiatement cédé contre les droits sur Stephon Marbury (33 victoires en 1997).
Le « Big Three » à un match du paradis
Finalement, au cours de l’été suivant, Vin Baker est envoyé à Seattle dans l’échange à trois équipes qui voit Shawn Kemp revêtir le maillot des Cavaliers. Terrell Brandon, meneur assez sous-estimé, arrive de l’Ohio en compagnie de Tyrone Hill pour diriger le jeu des Bucks, toujours englués dans la médiocrité (36-46).
En mars 1999, les caprices de Stephon Marbury, décidé à quitter Minneapolis, font les affaires de Milwaukee. Sam Cassell plaque New Jersey et prend la direction des opérations en remplacement de Terrell Brandon, expédié dans la région des Grands Lacs. Avec le trio Cassell-Allen-Robinson, les Bucks tiennent leur « Big Three ». Au printemps, Glenn, alias « Big Dog », dispute les premiers playoffs de sa carrière (sweep infligé par Indiana au premier tour).
La saison suivante, les trois compères rapportent 61.6 points par match. Milwaukee cale de nouveau au premier tour (2-3 contre les Pacers). Partie remise. En 2001, l’équipe de George Karl sort Orlando et Charlotte avant de pousser Philadelphie à un Game 7 en finale de Conférence Est. Robinson loupe son rendez-vous avec l’histoire ce dimanche 3 juin. Les maux de Milwaukee sont clairement identifiés : le « Big Three » est assurément très fort pour planter (62.2 pts par match en saison régulière), beaucoup moins pour défendre. Dans ce domaine, « Big Dog » traîne la patte. En attaque, il joue souvent pour sa pomme. L’autre souci, c’est la faiblesse insigne de la raquette où Ervin Johnson, Scott Williams et Joel Przybilla rivalisent de médiocrité.
En 2001-02, l’unité du vestiaire explose avec l’arrivée du regretté Anthony Mason et l’équipe loupe carrément les playoffs. Gros coup de balai. Le 2 août 2002, les Bucks envoient leur ailier à Atlanta contre Toni Kukoc, Leon Smith et un premier tour de Draft. « Big Dog », All-Star en 2000 et 2001, restera comme le deuxième meilleur marqueur de la franchise du Wisconsin derrière Kareem Abdul-Jabbar. En 8 ans, il aura dépassé sept fois les 20 points de moyenne.
Avec les Hawks, le natif de Gary signe un premier match de rêve contre les Nets (34 pts, 10 rbds, 8 pds). Il termine meilleur marqueur (20.8 pts) d’une équipe abonnée à la lose avec la paire Jason Terry-Shareef Abdur-Rahim et part donc une fois de plus en vacances en avril.
Un passage aux Sixers comme Lieutenant d’Allen Iverson
Cédé à Philadelphie dans un échange à quatre et diminué par des genoux douloureux, Robinson rapportera 16.6 points sur 42 matches comme lieutenant d’Allen Iverson avant de passer la deuxième année sur la touche, écarté par le nouveau coach des Sixers, Jim O’Brien. En février 2005, Philly cède « Big Dog » à New Orleans contre Jamal Mashburn et Rodney Rogers. Rapidement coupé, Robinson rebondit à San Antonio qui l’engage début avril en prévision des playoffs.
A 32 ans, Glenn dispute sa quatrième postseason. Il passe… 8 minutes en moyenne sur le parquet (13 matches) et participe ainsi à la quête du titre NBA contre les Pistons (4-3 en Finales). Faute de pouvoir retrouver la plénitude de ses moyens, il met un terme à sa carrière sous le maillot de San Antonio, avec des gains en carrière estimés à un peu plus de 77 millions de dollars.
Aujourd’hui, son nom apparaît à nouveau dans la rubrique « Sports », mais c’est grâce à son fils, Glenn Robinson III, vainqueur du Slam Dunk Contest, même si la NBA semble lui tourner le dos.
Stats
11 ans
688 matches (668 fois starter)
20.7 pts, 6.1 rbds, 2.7 pds, 1.2 int, 0.6 ct
45.9% aux tirs, 34% à 3 points, 82% aux lancers francs
Palmarès
Champion NBA : 2005
All-Star : 2000, 2001
NBA All-Rookie First team : 1995