24 degrés °C au thermomètre, un beau ciel bleu et de l’excitation dans l’air. Ce 22 octobre, Boston se croyait en juin. Quatre mois après avoir battu Dallas en NBA Finals, les Celtics fêtaient leur retour sur le parquet du TD Garden pour recevoir leurs bagues de champion et accrocher au plafond la tant attendue « Banner 18 ». Jusqu’alors à égalité avec les Lakers avec 17 titres, Boston est redevenu cet été la franchise NBA la plus titrée de l’histoire.
Pour prendre la juste mesure de ce que cette 18e bannière signifie pour les habitants de la ville, Basket USA est allé à la rencontre de plusieurs fans, ayant tous une relation différente avec les Celtics.
« J’ai grandi dans le Connecticut, entre New York et Boston. Vous êtes assez rapidement amené à choisir entre les Knicks et les Celtics. Quand j’étais jeune, ce maillot vert m’a saisi, j’adorais Larry Bird, et puis les Knicks étaient toujours nuls ou du moins ils n’étaient pas au même niveau que les Celtics, avec toute leur histoire et leur tradition, » nous explique Paul Donato, ancien instituteur âgé de 40 ans qui vient récemment d’emménager à Boston.
« Je ne peux pas dire que je sois leur fan numéro un mais j’habite ici, et si je devais choisir une équipe NBA à supporter, je préfère que ce soit celle de la région où j’habite, » nous confie Cody Damon, professeur d’entreprenariat à Tufts University et assistant coach de l’équipe de softball de Boston College, qui réside à 40 minutes du centre de Boston.
Nous avons également rencontré trois amis d’enfance, âgés d’une trentaine d’années, et fans des Celtics depuis toujours. « Mon père ne m’aurait pas laissé le choix de supporter une autre équipe, » rigole d’ailleurs Billy Breen, alors qu’Emmett Schaeffer nous explique qu’il a essayé d’avoir Lucky, la mascotte des Celtics, à son mariage pour y brandir le drapeau des Celtics, sa future femme s’y opposant. Enfin, Marcus Doby revendique lui d’avoir le sang vert.
Être fan des Celtics, une fierté et une loyauté inconditionnelles
Avant la rencontre de la nuit dernière, Joe Mazzulla décrivait la fierté et la responsabilité qu’il ressent d’être à la tête des Celtics. « Il y a une certaine reconnaissance, pas seulement pour toute la ville, mais aussi pour ceux qui ont été associés à la franchise avant nous. Red Auerbach avait dit que les Celtics, c’est une façon de vivre, et c’est vrai. C’est quelque chose qui m’est très cher. Nous avons l’opportunité de travailler pour les Celtics ! C’est la meilleure ville, la meilleure équipe, les meilleurs fans, sans le moindre doute. »
Il existe une relation fusionnelle entre les Celtics et leurs fans. Ces derniers se reconnaissent dans l’identité et dans les valeurs de leur équipe. « Je travaille dur tous les jours parce que je sais que les joueurs font la même chose quand ils sont sur le terrain ou quand ils s’entrainent. Ils méritent leur succès et ça ne donne envie de faire la même chose, » explique Emmett, qui travaille dans le médical.
Cody pousse lui ce raisonnement un peu plus loin, rappelant au passage que Boston a connu des longues périodes de disette au niveau sportif. C’est la culture des gens de la région que l’on retrouve dans la façon dont ils supportent les Celtics, mais aussi les autres franchises de Boston.
« Le trait principal des gens de Boston, c’est leur loyauté. Et donc même si les Celtics sont au sommet maintenant, les fans sont derrière toutes les équipes de la même façon. Dans les bons ou les mauvais moments, ils vont pousser leurs équipes parce qu’ils sont passionnés, » note-t-il. « C’est un reflet de la culture de la région. Ma femme est d’ici et tous ses amis sont également d’ici. Je ne suis pas originaire d’ici, et la plupart de mes meilleurs amis habitent à Boston mais viennent d’ailleurs. Il y a cet élément particulier de clan. Tu restes avec ton cercle d’amis, avec tes équipes, avec les gens que tu aimes et tu les protèges à tout prix. »
Souvenez-vous de l’animosité du TD Garden envers Draymond Green lors des Finals 2022, ou contre Kyrie Irving après qu’il ait piétiné le logo des Celtics. Une attaque contre les Celtics est une attaque personnelle pour leurs fans.
« Même si Boston s’est développé comme une ville beaucoup plus ouverte à l’international, l’ADN de la ville reste sa classe populaire, en particulier chez les fans, » décrit Paul Donato. « Et peut-être qu’ils n’habitent plus dans la ville, mais ils habitent à la périphérie et ils amènent l’atmosphère passionnée, rugueuse que vous ressentez au TD Garden. »
« Nous sommes simplement passionnés, » résume Marcus. « C’est comme les fans de foot en Angleterre. Alors on irait peut être pas jusqu’à nous battre avec les fans adverses mais si vous attaquez notre équipe ou nos joueurs, on va répondre. C’est de bonne guerre ! »
Patience et discipline, clés du succès des Celtics
Avec désormais 18 titres NBA, les Celtics sont au sommet de l’histoire de la NBA, mais les autres franchises de Boston ne sont pas en reste.
Les Red Sox, l’équipe de baseball, a gagné neuf World Series dont la dernière en 2018, le troisième plus gros total de l’histoire. Les Bruins, l’équipe de hockey, ont gagné six Stanley Cups et possèdent le troisième plus grand nombre d’apparition en playoffs de leur ligue. Enfin, les Patriots, l’équipe de football américain, ont gagné six Superbowls entre 2002 et 2019 derrière la légende Tom Brady.
« Je pense qu’avec le succès de toutes les franchises de la région dans les années 2000, les fans se sont habitués à gagner. Mais depuis quelques années, à l’exception des Celtics, c’est plus dur, » nous signale Cody Damon. « Les Red Sox dépensent beaucoup mais ne prennent pas de bonnes décisions. Les Patriots sont en pleine reconstruction. Les Bruins, même si Boston est une grosse ville de hockey, ils n’attirent pas le fan lambda comme peuvent le faire les Celtics. Et il y a un attachement particulier avec les Celtics parce que c’est une équipe qui a grandi sous les yeux de la ville. »
Les fondations du titre de 2024 ont en effet été construites sur les cendres des légendes de 2008. Après un titre, et deux Finals, le départ de Ray Allen, les blessures à répétition de Kevin Garnett, et l’âge avancé de Paul Pierce ont forcé la main de Danny Ainge. L’ancienne légende de Boston et dirigeant de l’époque a envoyé Paul Pierce et Kevin Garnett aux Nets en 2013 dans un transfert qui a amené de nombreux premiers tours de Draft à Boston, dont ceux qui deviendront Jaylen Brown en 2016 et Jayson Tatum en 2017.
« À l’époque, la pilule a eu du mal à passer, » nous avouent les trois amis d’enfance à l’unisson. « C’étaient des légendes ! C’était difficile de comprendre leur visions quand on avait des joueurs comme Evan Turner et d’autres. Et puis, Isaiah Thomas, « Scary Terry » (Terry Rozier) nous ont donné un peu d’espoir. Au final, on a toujours eu des bons joueurs, et on a été dans le coup quasi tous les ans après l’arrivée de Tatum mais on n’arrivait pas à passer le cap. C’est quasiment pire que de ne pas être en mesure de jouer le titre. »
Entre 2017 et 2024, les Celtics ont en effet atteint six finales de conférence en huit ans. Une performance rare en NBA alors que de nombreuses personnalités médiatiques demandaient une rupture entre Jayson Tatum et Jaylen Brown.
« En toute franchise, à Boston, personne ne voulait qu’ils choisissent entre Tatum et Brown, » nous assure Billy. « Je ne vous explique même pas le nombre de fois où que j’ai dû les défendre sur internet chaque saison où on n’arrivait pas à gagner le titre. C’était épuisant ! »
Cody Damon, membre du staff de softball de l’université de Boston College, apprécie tout particulièrement l’approche mise en place par les dirigeants des Celtics. Elle a survécu à un changement de GM et deux changements d’entraineurs autour du duo Jaylen Brown – Jayson Tatum, l’une des seules constantes de ces années.
« Tout ça a commencé il y a des années avec Danny Ainge et il a passé les clés du camions à Brad Stevens, ce qui a surpris tout le monde à l’époque, mais la transition s’est faite sans le moindre accroc » note-t-il. « Et je pense que Stevens a continué sur la feuille de route, sur la direction dictée par Ainge à l’époque. Ils ont emmagasiné les tours de Draft, ils ont été disciplinés avec leur gestion du salary cap et ils ont construit le roster brique après brique. Ils ont mis du temps à trouver la bonne formule mais ils ont réussi à faire ce qui est le plus dur dans le sport, faire preuve de patience. Toutes les franchises qui ont du succès dans n’importe quel sport, d’ordre général, ils construisent sur la continuité parce qu’ils savent que tu ne peux pas atteindre ton but en une ou deux saisons. »
« Ils ont su développer leurs joueurs, ils ont su rapidement apprendre de leurs erreurs ou des coups du sort avec Kyrie Irving et Gordon Hayward, et ils ont tout misé sur Tatum et Brown. Plutôt que d’aller chercher une autre star, ils sont allés chercher les pièces qui pouvaient compléter le puzzle avec Derrick White, avec Jrue Holiday, et avec Kristaps Porzingis. »
Damon tient également a salué l’apport de Joe Mazzulla, qui a hérité d’une situation compliquée après l’affaire Ime Udoka. « Il a un style complètement différent de Brad Stevens ou d’Ime Udoka, et il fait un boulot fantastique. C’est lui qui garde le cap pour tout le monde. On peut le voir dans ses interactions avec les médias. C’est un métronome et je pense qu’il instille confiance et sérénité à tous les joueurs. »
Pour Emmett, le technicien rappelle un autre coach bien connu à Boston : Bill Belichick, l’emblématique coach des Patriots et de Tom Brady.
« Il y a une similitude dans la façon dont il gère les médias. C’est une mentalité qui fonctionne à Boston. Tu restes concentré sur ton équipe et tu ne donnes pas grand-chose à la presse, peu importe ce qu’ils peuvent dire sur toi ou ton équipe. »
Les esprits déjà tournés vers la « Banner 19 »
Il suffit de lever les yeux au TD Garden pour ressentir le poids de la tradition des Celtics. Et le seul moyen de faire partie de cette histoire est d’y contribuer. Une bannière vide est d’ailleurs présente au centre d’entrainement pour rappeler aux joueurs le seul objectif de la franchise.
La nuit dernière, cette histoire était présente en chair et en os. Bob Cousy, Cedric Maxwell et le « Big Three » de 2008 étaient présents dans la salle comme symbole des années fastes et riches en titre des Celtics. Ils étaient là pour accueillir Jayson Tatum, Jaylen Brown, Joe Mazzulla et compagnie dans le cercle fermé des joueurs ou entraineurs qui ont amené un titre aux Celtics. Ils étaient là, comme tous les fans, pour célébrer la 18e bannière.
« Quand j’allais vers la salle, quelqu’un a crié d’une voiture : Allons chercher un autre titre, » s’enthousiasme Emmett. « S’ils gagnent ce soir, ça va être comme le soir où ils ont gagné le titre. Ça va être la folie ! »
« Ce soir, c’est la dernière occasion de fêter le titre de la saison dernière, et dès que le match démarre, il faut repartir à zéro vers un nouvel objectif, » ajoute Paul.
Les Celtics ont fait encore mieux. Ils ont envoyé un message à toute la ligue en démolissant les Knicks pour annoncer qu’ils étaient bel et bien les favoris à leur propre succession.
« Ils ont grandi ensemble avant même de gagner le titre. Toutes les pièces sont en place. Ils me font penser aux Warriors d’il y a quelques années, » surenchérissent Billy, Emmett, et Marcus. « C’est le même genre de potentiel et de talent. Je pense qu’on doit en gagner deux ou trois autres ! »
Les fans ont du patienter 22 ans entre le 16e et le 17e titre, puis 16 ans entre le 17e et le 18e titre, et ils en veulent plus. Pas seulement parce qu’ils veulent voir leur équipe gagner, mais parce que les Celtics font partie intégrante de leur vie et de leur communauté.
« Mon père avait l’habitude de tout le temps m’amener au match. L’environnement, l’ambiance, j’ai toujours adoré ça. Il nous a quittés l’année dernière et depuis, les Celtics signifient encore plus pour moi parce que c’était une passion que je partageais avec lui, » nous confie Billy. « C’est pour ça que les voir gagner le titre était encore plus émouvant pour moi. On fait tous partie de cette communauté, on vit leurs victoires et leurs défaites à 100%. »
« C’est une loyauté réciproque, » ajoute Marcus. « Si vous êtes là pour eux, ils seront là pour vous. C’est pour ça qu’on est là à chaque match dans la salle ou devant notre écran, parce qu’on sait qu’ils seront là pour nous. »
À bien des égards, cette nuit était particulièrement importante pour eux car la bannière symbolise la symbiose entre les joueurs, la franchise et les fans. Et comme Jayson Tatum l’a dit en terminant son discours d’avant match, en s’adressant directement aux fans. « On n’aurait pas pu aller chercher ce titre sans vous ! »
Propos recueillis à Boston.