Arrivé à Skjern depuis deux saisons, Noah Gaudin est en train de réussir son pari : celui d’imposer dans le championnat danois. Un parcours atypique, qui lui aura même ouvert les portes de l’Équipe de France.
Gaudin, Gaudin, comme Christian « Kiki » Gaudin ? Et oui, le demi-centre de 25 ans est bien le fils de l’ancien Barjot, mais également le benjamin de la fratrie, avec Thomas et Clément. Né en Allemagne, c’est à Saint-Raphaël que Noah découvre et se met au handball : « J’ai vite baigné dedans. Dès mes quatre ans, j’ai commencé en baby-hand, comme mon père était coach là-bas. J’ai fait mes armes au club. C’est à partir des catégories U12, U14 que j’ai été demi-centre. » Cependant, ne vous y trompez pas, le patronyme « Gaudin » n’a jamais été quelque chose de préjudiciable pour le natif d’Hamelin : « Il n’y a jamais eu de pression, notamment de sa part. Il m’a beaucoup aidé, il est toujours disponible. Même de l’extérieur, je n’ai jamais été trop touché par des critiques liées à mon nom. Personne n’a jamais dit que j’étais pistonné ».
Un poste clé pour le jeune homme, qui lui va comme un gant, ce dernier souffrant d’une croissance tardive : « Jusqu’à mes 17 ans, j’ai eu une croissance tardive, j’étais le plus petit. Aujourd’hui, je fais pratiquement deux mètres, je dépasse tous les amis avec qui je jouais là-bas. »
Après onze ans passés à la tête de Saint-Raphaël et une troisième place en 2012, c’est en Alsace, plus précisément à Sélestat, que la suite s’écrira pour les Gaudin : « Mon père n’était plus coach, mon frère a suivi et moi aussi, j’ai pas réfléchi .» confie le demi-centre. Rapidement intégré au pôle espoir de Strasbourg, Noah Gaudin évolue avec la Nationale 2 de Sélestat les week-end. « Il y avait beaucoup de blessés à cette époque, donc on était quelques jeunes à s’entrainer avec les pros. C’est aussi comme ça que j’ai fait la connaissance d’un de mes meilleurs amis, Valentin Kieffer .»
Son premier match avec les grands se fera du côté de Besançon, lui qui effectuera également quelques matchs de D1. « J’appréhendais quand même, tout le monde savait pour mon frère et mon père. Après, l’équipe était intelligente aussi. On avait des joueurs comme Kader Rahim, Rudy Seri… ça a été une saison compliquée sportivement, mais on a super bien été accueilli .»
Une fois la majorité atteinte, Noah effectuera ses débuts au centre de formation du PAUC : « Le projet me plaisait bien, il y avait pas mal de jeunes, une nouvelle salle et puis j’étais proche de Saint-Raphaël, j’avais encore pas mal de famille là-bas ». Si le projet était plus qu’intéressant, la réalité sera plus compliquée pour le demi-centre, privé de temps de jeu par un certain Aymeric Minne. Une déconvenue certes, mais dans chaque malheur, il y a un bonheur : « Il était déjà très fort, mais l’équipe l’était tout autant. On avait Karl Konan aussi. Avec lui, il fallait en mettre trois fois plus rien que pour tirer. Pour Aymeric, il y a plein de choses que j’ai appris de lui. Je ne suis pas bête, si quelqu’un joue bien tu t’en inspires, c’était top pour apprendre », explique le demi-centre de Skjern.
Ajoutez à cela une petite pige de presque un an à Cesson-Rennes, où Noah retrouvera son père sur le banc, et vous obtenez déjà un bon bagage handballistique. « D’un point de vue individuel, c’était top. J’ai bien travaillé, j’ai eu pas mal de temps de jeu, notamment contre des grosses équipes. Mais l’équipe est quand même descendue, ce qui gâche la saison. »
Les championnats du monde avant le grand départ
En prenant de l’expérience, le jeune demi-centre s’est retrouvé appelé en Bleu, sous les ordres de Yohann Delattre lors du Mondial U21, en Espagne. Une compétition que les tricolores ont d’ailleurs remportée, avec un effectif plutôt impressionnant : Dylan Nahi, Elohim Prandi, Kyllian Villeminot ou encore Gaël Tribillon, les Français remporteront ainsi leur deuxième Mondial U21. Des souvenirs qui résonnent encore chez l’ancien aixois : « J’ai de très bons souvenirs. Déjà, j’ai pu retrouver mon « Valou ». On était forcément dans la même chambre. On avait vraiment une super équipe, une très bonne ambiance. On jouait bien, on était sérieux, appliqué et on produisait du beau handball. »
De retour à Aix, après son passage en Bretagne, le regard du champion du monde se tourne vers le Danemark. Grâce, ou à cause des trois Danois présents dans le collectif (Mortem Bjornshauge, Anders Lynge Hansen, Martin Larsen), Noah commence à s’intéresser au pays de Mikkel Hansen : « Je parlais aussi avec Aix, mais en parlant avec eux, ils me disaient que la ligue était bien, le championnat également, les jeunes performent bien, donc ça a commencé à m’intéresser. Mon père a aussi passé deux/trois coups de fil pour avoir plus d’informations. On n’a pas pris la décision à la légère. »
En contact avec Sonderjyske, le club danois s’est montré plus que convaincant pour attirer le jeune tricolore : temps de jeu important, rôle majeur dans l’équipe… « Je me suis dit que ça ne pouvait pas être négatif d’avoir une autre culture, ça ne peut que me servir ». C’est ainsi que Noah Gaudin est arrivé au Danemark, en sortie de Covid.
A 21 ans, il est arrivé seul, sans parler la langue, se lançant ainsi dans une nouvelle vie : « J’en avais entendu que du bien. Je m’étais mis un point d’honneur à apprendre le danois, j’ai pris des cours et tout s’est bien goupillé. J’ai eu du temps de jeu, une petite vie danoise, donc j’étais très content de mon choix. »
Qui dit arrivée dans un nouveau championnat, dit différences avec la Starligue. Si le demi-centre avoue avoir été assez surpris du niveau général du championnat, qui s’améliore d’année en année, la grosse différence se fait au niveau de la moyenne d’âge des joueurs. Dit comme ça, ce n’est peut-être pas très clair. Au Danemark, les jeunes joueurs jouent et touchent plus tôt au très haut niveau : « C’est ce qui m’a le plus surpris. Il y a beaucoup de jeunes joueurs qui jouent très bien. On leur confie rapidement des responsabilités, du temps de jeu ». C’est notamment ce qui a permis à des jeunes comme Gidsel, Pytlick ou plus récemment Arnoldsen de rapidement se mettre en lumière. « J’en parlais avec Léo Martinez (qui évolue désormais à Nordsjælland Håndbold, défait par Skjern 31-29, NDLR) du nombre de jeunes qui jouent vite. On parle beaucoup de Gidsel, de Pytlick, mais il y a de nombreux jeunes Danois, dont on parle moins, qui décrochent des contrats en Allemagne comme à Goppingen. »
Un championnat en constante évolution, dont le niveau ne fait qu’augmenter année après année : « Le championnat devient homogène, un peu comme en France. Les clubs montent de beaux projets, ça joue bien, c’est de plus en plus dur de gagner. »
Si sur la forme, le jeu scandinave ressemble à ce qui peut être pratiqué en France avec des passes rapides, des bases similaires, là où les deux championnats se différencient, c’est sur la partie montées de balles. En Scandinavie, on court, beaucoup, trop peut-être. « On passe notre temps à courir. J’ai pu jouer avec des mecs qui arrivaient d’Allemagne, ils ont perdu huit kilos en revenant. On court énormément, on transpire beaucoup. Moi, j’adore ça. J’aime me sentir dans le rouge, ne pas voir l’horloge passer. »
Skjern, une nouvelle étape franchie
Après trois saisons à Sonderjyske, Noah Gaudin a pris son envol pour rejoindre le club de Skjern, avec une volonté de jouer l’Europe, mais également de prendre un nouveau rôle. Si lors de sa première saison, son club et lui se seront hissés jusqu’en quarts de finale (stoppés par le Dinamo Bucarest), l’histoire ne se répètera pas, la faute à de nombreux blessés. Cependant, le fils de l’ancien Barjot prend de l’épaisseur, au sens propre comme au figuré.
Au propre puisque le joueur de 25 ans, depuis son arrivée au Danemark, a pris près de 10 kilos, en affichant désormais 90 sur la balance : « Le but, ce n’était pas de pousser et de prendre 15 kilos d’un coup, surtout vu mon style de jeu rapide et basé sur le changement d’appui. Je ne voulais pas devenir un joueur que je n’étais pas. A l’avenir, j’aimerais rajouter 4/5 kilos. Le but, c’est d’être plus solide en défense, de tenir mon rang, sans que cela m’empêche d’être véloce ». Au figuré, le joueur s’affirme de plus en plus comme un joueur solide, sur lequel son équipe peut se reposer, en témoigne sa récente prestation à 14 buts : « J’essaye de prendre un rôle de leader. J’ai beaucoup de temps de jeu, j’ai plus joué en défense, sur le poste 2 pour progresser. Cette année, j’ai plus de responsabilité. »
Mais quel but de maboule claqué ce soir par Noah Gaudin avec son club de Skjern pic.twitter.com/jRbeSGOjnk
— HandNews (@HandNewsfr) November 13, 2024
Une responsabilité accrue, qui se traduit notamment par un temps de jeu décuplé, à presque 60 minutes par match, ainsi que par une utilisation différente : « Quand on défend en 1-5, c’est moi qui suis devant, même si c’est moins cette année. Le coach veut que je défende en 2, ce que j’ai fait sur les 5/6 derniers matchs, je fais que ça. Je me sens bien, on bosse bien, je progresse, je kiffe. »
Un appel en Bleu, la concrétisation
Le travail paye toujours, c’est le moins que l’on puisse dire. La preuve récemment avec son nom de couché sur la liste des 35 joueurs présélectionnés, qui pourront être appelés pour préparer le Mondial 2025. Une sacrée surprise, mais qui était aussi un peu attendue : « Je l’espérais, j’avais vu les différents pépins physiques des autres joueurs. Je me sens bien, mais tu ne sais jamais si tu vas rentrer dans les critères du coach donc ça fait plaisir. Certes, c’est une liste de 35, il y a beaucoup d’appelés, peu d’élus, mais c’est déjà cool. »
Pour l’heure, l’histoire de Noah Gaudin continuera de s’écrire au Danemark, ce dernier ayant prolongé en début de saison, jusqu’en 2027. Motivé par le projet et les responsabilités offertes, l’ancien aixois compte bien poursuivre son aventure au sein de son club : « On m’a expliqué le projet avec pas mal de jeunes à des postes clés, dont j’aimerais emmener cette équipe loin sur les deux trois ans. J’ai envie de faire partie des joueurs importants, j’ai des bonnes relations avec les joueurs, je les connais, on bosse bien. Je ne ferais sûrement pas toute ma carrière ici, mais pour le moment, je suis bien. »
La France, l’Allemagne pour la suite ? Rien n’est encore clair, le temps des discussions et des réflexions viendront bien assez tôt : « L’Allemagne m’a toujours fait de l’œil. J’avais des contacts avec quelques clubs, mais ma situation a évolué. Pareil pour la France. Je n’ai pas de plans clôturés, je veux continuer de progresser, de passer un step, de jouer des titres, des grosses compétitions, je suis prêt à tout. Je suis bien parti au Danemark à 21 ans, alors pourquoi ne pas revenir en France à 27 », conclut Noah Gaudin.
Théo Alleaume